L’historique de l’Archidiocèse de Toamasina

« C’est pourquoi nous-mêmes sommes fiers de vous au milieu des Églises de Dieu, à cause de votre endurance et de votre foi dans toutes les persécutions et les détresses que vous supportez. » (2 Thessaloniciens 1,4)

La province de Tamatave tient une place non négligeable dans l’histoire de l’implantation du catholicisme à Madagascar. Toutes les tentatives d’abordage de la Grande Ile étaient faites soit au large de la côte Est à Tamatave, soit de la côte Nord-Est sur la Baie d’Antongil ou encore au Sud-Est de l’Ile à Fort-Dauphin. Il est à noter que toutes les stratégies d’implantation se faisaient d’abord dans les Hautes Terres. Le climat y était idéal pour les étrangers et il y avait déjà une bonne organisation socio-politique par rapport au reste de l’Ile. C’est la raison pour laquelle les missionnaires se sont efforcés de s’installer à Tananarive avant de se déployer dans les autres provinces. Mais pour accéder aux Hauts-plateaux, il fallait obligatoirement faire halte dans les villes côtières considérées seulement comme villes de passage.

Naissance de la chrétienté dans la province EST.

Beaucoup de tentatives d’évangélisation se sont succédées, mais malheureusement elles ont toutes abouti à des échecs.

Au XVIIème siècle, vers 1662, un évêque, Mgr François PALLU tente d’atterrir à Fort-Dauphin. L’année suivante, en 1663, c’est au tour du Père FRACHY. En 1670, Mgr PALLU revient avec quatre prêtres mais une fois de plus, ils rentrent bredouilles.

L’année 1643, toujours à Fort-Dauphin, un autre prêtre, le père Mariano, essuie un nouvel échec. Comme d’autres confrères l’ont fait, le père Monnet a tenté d’entrer deux fois en 1735 et en 1746 mais il n’y avait rien à faire. Le nom du père Cuvier a aussi été cité. Tous ces gens d’église ont mis pied à la Baie d’Antongil pour s’acheminer vers Fort-Dauphin, plus facile d’accès par rapport à la côte Est et sa forêt dense très humide infestée de moustiques et d’autres bestioles.

Résultat apparent : Aucune réalisation. Tous les missionnaires sont rentrés pensant n’avoir rien fait. L’on sait même qu’en 1671, il n’y avait plus du tout de missionnaires catholiques à Fort-Dauphin.

ET pourtant… L’un sème, l’autre moissonne !

Plusieurs années plus tard, en 1832, après beaucoup de tentatives, les premiers missionnaires percent dans la partie Est de l’Ile pour faire connaître le Catholicisme.

Le Préfet Apostolique Mgr Henri de SOLAGES arrive au port de Tamatave le 17 juillet 1832. Il n’a pas fait de travail remarquable mais sa ténacité et sa persévérance demeurent de très bons exemples pour ses successeurs. Ces derniers réussiront à aller plus loin. Mgr Henri de SOLAGES s’est éteint le 08 décembre 1832 de faim, de soif et du paludisme. Tout cela, parce qu’il a été stoppé dans sa course et écroué par la Reine RANAVALONA I et COROLLER, le Gouverneur de Tamatave. (Pour en savoir plus, voir plus bas, sa biographie)

Ses souffrances ont quand-même porté des fruits. Le père Pierre DALMONT prend la relève en s’installant à l’Ile de Sainte Marie et y construit une petite église, la toute première église à Madagascar. Il baptise les premiers fidèles en 1837.

Le père DALMOND avait la particularité de tenir un cahier de chants, de catéchèse et d’homélie tout en malgache. Mais sa frénésie est entravée par l’absence de confrères. Le 15 décembre 1861, il dit la première messe à Ampasimazava, un quartier de Tamatave, proche de la Cathédrale Saint Joseph (emplacement initial de la radio Masôva ou école de la Foi). Cette première église de Tamatave fut érigée par les missionnaires le 28 février 1864. Elle était faite avec des matériaux locaux, tout en ravinala. Le père PAGES l’a inaugurée et baptisée Saint Joseph. Cependant, c’est seulement à partir du 03 août 1867 que la messe est devenue officielle. La première a été dite par Mgr MAUPOINT de passage à Tamatave.

Extension de l’évangélisation

L’histoire continue avec l’extension du territoire à évangéliser. Les missionnaires n’arrivent plus à le gérer, si bien qu’en 1896, Tananarive est divisée en 03 vicariats. Pour le second Vicaire Apostolique de Tananarive, Mgr de SAUNE fait appel aux missionnaires PREMONTRÉS pour étoffer l’équipe responsable de la Côte-Est de la Grande Ile.  Des quatre missionnaires arrivés au district de Mahanoro et de Vatomandry, seul le père Vincent COTTE est resté, à cause de la Première Guerre.

Pourquoi à Vatomandry et pas à Tamatave ?

Qu’est-ce qui s’est réellement passé à Vatomandry ? Est-ce qu’il y avait une pression de la part de Mgr FOUCARDIER ou bien est-ce seulement une manœuvre économique ? Vatomandry était très renommée pour sa richesse en fruit, en raphia et en riz. C’était la fête quotidienne au marché pour les commerçants comme pour les clients. Mais la chrétienté stagnait. Il fallait résoudre ce problème au mieux !

A partir de 1930, seuls les Père Charles et Père Vincent COTTE s’occupent du très vaste district du Sud Est. Pour eux deux seulement, la pastorale des villes de Vatomandry, Mahanoro, Ilaka et Sahafisaka avec leurs petites paroisses très éparses, est un travail très harassant. Ils ont demandé de l’aide mais n’en obtiennent pas.

En 1933, quatre prêtres Montfortains visitent le territoire. Mais ils ne faisaient que passer parce qu’ils devaient encore apprendre le malgache. Il s’agit des Pères Alain le BRETON, TOUZEAU, le JOLY et MARTINEAU, suivis du frère Bernard.

« Celui qui sème abondamment, moissonnera abondamment » (2 Corinthiens 9,6)

Mgr GIVELET, Vicaire Apostolique de Fianarantsoa, voyant que l’Evangélisation avançait à pas de géant, a fait appel aux Montfortains. Ces derniers étaient alors assignés à Nosy Varika, puis à Vatomandry et Mahanoro encore inscrits dans le vicariat de Tananarive.

Tamatave dépendait encore du vicariat apostolique de Tananarive alors que Vatomandry était, si l’on peut le dire, le tremplin du catholicisme dans toute la région Est. Le Père Alain Sébastien le BRETON, à cause de l’extension considérable de la mission, fut nommé Préfet Apostolique de Vatomandry le 18 juin 1935. Il fut alors appelé Mgr le BRETON mais il résidait à Mahanoro.

Grande nouvelle :

Le 25 mai 1939, Vatomandry est promue vicariat apostolique. Mais coup de théâtre : cinq minutes seulement après, un deuxième télégramme annonce que désormais ce serait Tamatave le chef-lieu du vicariat apostolique et à sa tête Mgr le BRETON. Il est donc le premier Evêque de Tamatave. L’intronisation est faite le 08 mars 1940 par Mgr Adolphe DUPARC, évêque de Quimper au Finistère. Ce dernier, arrivé à bord du bateau « le Comte de l’Isle », fut reçu en grandes pompes avec un chant de gloire.

L’évangélisation du vicariat connait alors une extension remarquable et s’étend de Nosy Varika à Foulpointe.

1954 : première ordination : celle du père Edmond RASAMOELINA en l’Eglise Saint Joseph. Il est bon de savoir qu’à ce moment-là, seulement 3% de la population était catholique.

Diocèse de Tamatave : à partir de 14 septembre 1955

 Le 14 septembre 1955, le Pape Pie XII nomme « Diocèse » le vicariat de Tamatave, avec Mr le BRETON toujours à sa tête. Le frère montfortain ZEZEZKEL dirige les travaux de construction de la grande bâtisse de la cathédrale qui est l’évêché d’aujourd’hui.

Mgr Jules PUSET lui succède le 26 janvier 1958 à la Cathédrale Saint Joseph. Ce dernier apporte pas mal de rénovations. En 1958 Tamatave ne dépend plus de l’Archidiocèse de Tananarive, mais s’intègre dans la région Nord.

En septembre 1965, le petit séminaire, situé à Anivorano Est depuis 1952, est transféré à Tamatave, dans le quartier d’Androranga, et baptisé Foyer Saint Paul. En 1968, Nosy Varika est détachée de Tamatave pour constituer le diocèse de Mananjary. Le premier Evêque Malgache après Mgr Jules PUSET est Mgr Jérôme RAZAFINDRAZAKA en 1982.

Venait ensuite le 15 août 1989 Mgr René Joseph RAKOTONDRABE.

Le 24 novembre 2008, Mgr Désiré TSARAHAZANA est le nouvel évêque de Tamatave. Le 26 février 2010, il devient le premier Archevêque pour les diocèses d’Ambatondrazaka, de Moramanga et de Fénérive Est.

• Quelques dates à noter/ événements récents

  • 2010 : 16 avril : première émission de la Radio MASÔVA Tamatave, 30 mai : Mgr Désiré TSARAHAZANA Archevêque
  • 2011 : 27 février : ouverture du 80ème anniversaire de la Cathédrale Saint Joseph
  • 2012 : 30 septembre : grandes festivités pour la fermeture du 150ème jubilé. Messe en plein air.
  • 2013 : Pèlerinage diocésain à Andovoranto et pose de la première pierre de la Chapelle.
  • 2014 : 06 décembre – 07 décembre : inauguration de la Chapelle d’Andovoranto
  • 2018 :  juin Monseigneur Désiré TSARAHAZANA est créé Cardinal.
  • 2020 : mai Célébration du 10aine anniversaire de la création de l’archidiocèse

MONSEIGNEUR DE SOLAGES

« Alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? » Romains 8, 35

D’après les archives, Henri de SOLAGES a été nommé Préfet Apostolique de l’Ile de Bourbon (actuellement Ile de La Réunion), de l’Océanie, de Madagascar ainsi que les Iles du Pacifique en date du 17 août 1829. Il avait un désir ardent de travailler à Madagascar, et avait alors obtenu un poste dans la Grande Ile au mois de septembre de la même année. Arrivé à l’Ile de Bourbon le 07 janvier 1831, il est suivi par l’Abbé DALMOND. Il est à noter qu’en ces temps-là, les créoles et les esclaves noirs n’avaient pas le droit à l’éducation ni à quoi que ce soit touchant le christianisme. Préoccupé par le sort de ces gens, Mgr Henri de SOLAGES a écrit un petit livre de catéchèse. Il adresse une lettre au Pape Grégoire XVI le 12 mars 1832 pour faire part de son désir et l’informer par la même occasion de son départ pour Madagascar. Il fait alors ses bagages et prend la mer le vendredi 13 juillet 1832. Dans l’aube du mardi 17 juillet 1832, il entre dans la rade de Tamatave. Cinq mois seulement après son arrivée hélas, le vaillant Missionnaire allait rendre l’âme… Il a été très mal accueilli. Arrivé au petit matin, ce n’est que très tard dans la soirée qu’il peut s’abriter dans une petite cage pour y dormir à même le plancher. Sa valise lui servait de table !

Il avait deux compagnons de route, ou deux compagnons de fortune si on peut dire, mais qui ne lui servaient pas à grand-chose. Casimir, un créole noir fut terrassé par le palu quinze jours seulement après leur arrivée à Tamatave. Jean Baptiste a été renvoyé illico à la Réunion parce qu’il faiblissait de jour en jour.

Malgré sa solitude, Mgr Henri ne perd pas espoir. Arriver le plus tôt possible à Tananarive est sa principale préoccupation. Il pense ensuite entrer en pourparlers avec la Reine RANAVALONA I afin d’ouvrir une école pour les jeunes filles Merina. Cette institution, il voulait que ce soit les religieuses de Saint Joseph de Cluny qui s’en occupent. Il a alors écrit une dépêche au père DALMOND, demandant à ce dernier de contacter la Mère Supérieure de la congrégation pour que celle-ci prépare trois religieuses qui vont prendre en main les apprenantes. Le problème, c’est que Mgr Henri de SOLAGES ignore totalement la xénophobie de RANAVALONA I envers les Français. Il compte sur une convivialité et une approbation de la part de la Reine.

Mgr Henri de SOLAGES face aux problèmes.

1- Les missionnaires protestants étaient arrivés avant les missionnaires catholiques à Tananarive. Ils ont entendu par leurs confrères l’arrivée d’un missionnaire catholique à Tamatave, que ce dernier voulait rencontrer la Reine ; ils ont tout manigancé pour empêcher ce catholique d’arriver dans la ville de Tananarive.

2- Les Malgaches avaient une dent contre les étrangers blancs. Ils protégeaient leurs us et coutumes et pensaient que ces gens venus d’ailleurs bousculeraient leurs traditions ancestrales. Ils avaient alors décidé de répudier tous les missionnaires dont le Révérend T. ATKINSON et son épouse.

3- Non satisfait par cette situation, Monsieur Aristide COROLLER, Gouverneur de Tamatave, a aussi fait des siennes, et en pire ! Son père était français et sa mère une métisse Malgache-créole, ce qui faisait de lui un privilégié. De plus, il avait un lien familial avec l’administrateur d’Ivondro et avec Monsieur Jean RENE, un noble qui a dirigé les Betanimena. De ce fait, tout ce que Mgr Henri de SOLAGES entreprenait a été étouffé bien avant la réalisation.

Il insiste cependant pour envoyer directement des lettres à la Reine RANAVALONA I mais il n’a jamais reçu de réponse. La première a été postée le 21 juillet 1832, accompagnée de celle de Mère Rosalie JAVOUHEY supérieure d’une congrégation à Saint Denis de la Réunion. La troisième lettre du 26 septembre avait fait courir le bruit qu’il y avait un missionnaire catholique sur la route de Tananarive et qu’il était déjà à Maromby près d’Andovoranto. Quelques délégations de la London Missionnary Society dont D. GRIFFITHS, D. JONES et JJ. FREEMAN ont très vite réagi avec une dépêche à la Reine. Ils y ont écrit qu’il fallait à tout prix empêcher ce « Nouvel étranger » d’entrer à Tananarive parce que les motifs de son arrivée n’étaient pas très clairs. De plus, il était assez urgent de le renvoyer, Maromby étant un village à haut risque pour le paludisme, cela pourrait entacher l’image du pays si ce « Monsieur » y mourrait. La Reine, convaincue par la « sagesse » de ces missionnaires, répond sur- le-champ à leur lettre et promet de lui écrire. Dans sa lettre, elle somme le retour immédiat de Mgr Henri de SOLAGES sur Tamatave et de contacter Monsieur le Gouverneur qui y était son représentant. Mais ce dernier avait déjà été avisé par la Reine de renvoyer cet étranger dans son pays aussitôt qu’il retrouve la santé. Mgr Henri de SOLAGES attend en vain une réponse favorable à ses lettres. Dépité, il décide de partir pour Tananarive : « Plutôt mourir que de rebrousser chemin » Il est hélas capturé et ramené à Andovoranto sous bonne escorte.

Fort de son espoir, il attend patiemment dans sa geôle où personne n’a accès. Il a tenu quinze jours avec son paludisme sans manger ni boire. Un jeune catholique d’Andovoranto nommé Hely, voyant qu’il était très affaibli et très mal en point voulait l’aider mais Mgr Henri agonisait déjà. Il a rendu l’âme le 08 décembre 1832 vers 17h00. Ses souffrances n’étaient pas veines, il y avait quelques fidèles catholiques qui gardaient vivant le flambeau qu’il a laissé. C’est une des raisons pour laquelle le Père CHESNAY fut nommé Visiteur Apostolique à Tamatave le 19 août 1873. Ce dernier, lors de sa tournée à Andovoranto, encourageait ces fidèles à persévérer dans leur foi catholique. La ténacité et le dur labeur montrés par Mgr Henri de SOLAGES n’ont pas échappé à ceux qui l’avaient connu.

Y avait-il une relation entre le travail du Père Pierre DALMOND et la vie de Mgr Henri de SOLAGES ?

Rappelons-nous que le 07 janvier 1831, lors de son arrivée à l’Ile de Bourbon, Mgr Henri de SOLAGES est accompagné de l’Abbé DALMOND. Au départ de Mgr Henri, le père DALMOND qui était le Vice Préfet, est obligé de rester pour succéder à Mgr Henri. On se demande alors quelles sont les raisons qui ont poussé le père DALMOND à venir à Madagascar après la disparition de Mgr Henri de SOLAGES.

Les voici :
Un jour, à La Réunion, un marchand ambulant Malgache a fortuitement croisé le chemin du père DALMOND sans le connaitre. Sans hésiter, le marchand lui a mis une croix dans la main et s’en est allé sans demander son reste. Il avait tout simplement disparu. Le père DALMOND savait très bien que cette très belle Croix en argent était celle de Mgr Henri de SOLAGES et qu’elle contenait une relique de La Sainte Croix. Elle ne quittait jamais Mgr Henri.

Le père DALMOND a alors embarqué à bord du bateau « Le Colibri » le 10 juillet 1837 et arrive à l’Ile Sainte Marie le 16 juillet 1837. Cette île appartenait encore à La France. Le 24 août de la même année, il a baptisé trente fidèles. C’était son premier voyage. Il a érigé deux églises dans l’Ile BORAHA lors de son deuxième voyage. La première, sous la protection de l’Immaculée Conception, se trouve à Vatolava : la toute première église à Madagascar. La seconde est bâtie plus au Sud à Anjahamarina Ambodinôsy protégée par Saint Vincent de Paul.